L’économie Mondiale Sens Dessus Dessous !

  La chute des prix du pétrole a amené beaucoup de pays producteurs dont l'Arabie Saoudite, l'Algérie et d'autres diversifier leurs tissus productifs et diminuer leur dépendance de la rente pétrolière… Mais, pourquoi est-il si difficile d'échapper au syndrome hollandais docteur ?

    Que les lecteurs se rassurent, je ne leur parlerai pas de médecine dans cette chronique. Certes, il m'est arrivé de parler de questions politiques, culturelles ou internationales qui ne font pas partie de mon champ de spécialité qu'est l'économie, mais mes compétences médicales sont limitées et il ne me viendra pas à l'esprit de m'aventurer dans un champ aussi complexe.

    Au fait ce que les économistes appellent le syndrome hollandais est une maladie économique. Le terme est apparu dans les années 1960 suite à la découverte d'importants gisements gaziers aux Pays Bas. Cette découverte a eu des effets inattendus au sein de cette économie et, au lieu d'être une opportunité du fait des ressources financières qu'ils peuvent apporter, elle est devenue une malédiction qui entrainera la marginalisation des autres secteurs économiques, notamment l'agriculture et l'industrie. Plus tard et particulièrement dans les années 70 on s'est rendu compte que ce mal n'était pas propre aux Pays Bas mais qu'il s'était développé dans un grand nombre de pays qui disposent d'une rente de matière première qu'elle soit pétrolière, gazière ou minière.

En effet, pour un grand nombre si ce n'est la majorité, on a assisté avec le développement des activités rentières à la marginalisation des autres activités productives. Et, pire l'activité économique et la dynamique de croissance sont devenues totalement dépendantes des marchés internationaux et des cours des matières premières sur ces marchés : la hausse des prix se traduisant par une forte croissance, une belle santé macroéconomique avec même des excédents budgétaires et des investissements publics massifs et un important excédent de la balance des paiements. Mais, le renversement de la situation internationale et la chute des prix se traduisent par une détérioration rapide de la situation économique des pays rentiers et leur basculement dans des crises graves avec une chute de la croissance, une détérioration de la situation macroéconomique et la fin des investissements publics.

D'où viennent ce mal et ce syndrome qui met en péril la stabilité de ces pays ? Et, qu'est ce qui fait que ces richesses qui devraient être une chance deviennent dans ces pays une malédiction ? De mon point, trois éléments essentiels expliquent cet emballement et le déclenchement de ce cercle vicieux de la dépendance vis-à-vis des rentes. Le premier est d'ordre structurel et il est lié aux importantes recettes en devises qui viennent gonfler les réserves et peser sur les taux de change des pays exportateurs. On assiste alors à une réévaluation des monnaies nationales vis-à-vis des devises étrangères ce qui mettra à mal la compétitivité des autres secteurs, notamment l'agriculture et les secteurs industriels. On assiste alors au recul de ces activités et à une montée des secteurs rentiers. Le second élément est plutôt d'ordre macroéconomique et il est lié au fait que l'augmentation des recettes rentières sont à l'origine d'un gonflement et d'un accroissement rapide des dépenses courantes des budgets des Etats. Or, dans les moments de vache maigre et de baisse des prix internationaux, les Etats ne sont pas en mesure de maintenir ces niveaux de dépenses publiques et recourent à un endettement massif pour y faire face. Le troisième élément concerne une mentalité qui se développe dans ces pays et qui dévalorise le travail et l'effort dans la mesure où les recettes rentières lui permettent d'acquérir à l'extérieur tout ce dont le pays a besoin.

Peut-on guérir de ce mal  et quels sont les remèdes qui permettent d'éviter cette malédiction ? Il faut d'abord souligner que nous sommes en face d'un mal structurel qui exige un important travail de long terme dans deux directions. La première est de maintenir et d'appuyer les efforts de diversification des économies. Le second est de neutraliser les recettes extérieures et de les investir dans des fonds souverains et d'éviter de les inclure dans les budgets de l'Etat et surtout dans les dépenses courantes. Mais, si les remèdes sont connues, rares sont les pays qui ont pu échapper à cette malédiction des matières premières.

J'ai évoqué ces remarques suite au lancement par l'Arabie Saoudite d'un important programme intitulé « Vision 2030 » pour échapper à ce syndrome et diversifier son économie. Une des points importants de ce plan est la cession de 5% de la fameuse ARAMCO pour constituer ce qui sera le plus grand fonds souverain dans le monde avec 2 000 milliards de $ permettant dans le futur de neutraliser les recettes fiscales. L'Arabie Saoudite n'est pas le seul à avoir entamé ce processus de diversification. On peut aussi mentionner le cas de l'Algérie qui s'est engagé depuis quelques mois dans un important programme pour réduire l'impact négatif de la baisse des prix du pétrole avec notamment un effort de réduction des dépenses budgétaires pour réduire le déficit et la relance du processus de diversification de l'économie.

Il nous paraît que cet effort et ces stratégies de réduction de la dépendance vis-à-vis des matières premières sont salutaires. Mais, il faut mentionner qu'il s'agit de dynamiques et de processus complexes qui exigent de la persévérance particulièrement si les prix des matières premières se redressent. Mais, ces processus ne sont pas seulement techniques et ils comportent une dimension politique essentielle car le recours à la fiscalité au dépend de la rente suppose une plus grande transparence et une plus grande participation citoyenne.