Mettre fin à la spirale inflationniste !

Le début de l’année a été marqué par la forte mobilisation sociale et les protestations, qui ont pris parfois des formes violentes, contre la hausse des prix et la cherté de la vie. Si ces protestations contre les poussées inflationnistes ont commencé depuis quelques mois, ce n’est que récemment qu’elles ont pris une tournure plus politique et même sécuritaire avec les attaques et la destruction de biens publics et privés par des groupes de casseurs lors de manifestations nocturnes.

Les préoccupations et les craintes devant ces hausses de prix viennent d’être confirmées par les publications des statistiques officielles de l’Institut national des statistiques qui a indiqué, lors de son dernier rapport, que l’indice des prix a été de 6,4% au cours de l’année écoulée. Une hausse nettement plus importante que celle enregistrée lors des années précédentes. Il faut dire que la période post-révolution a été marquée par une forte inflation qui a dépassé les 5%. Or, à partir de 2014, cette inflation a été jugulée et elle est revenue à un rythme inférieur à ce seuil psychologique qu’est devenu le chiffre de 5%.

Ainsi, après ces trois années d’accalmie, les pressions inflationnistes sont revenues à la charge. Et l’INS de préciser les secteurs qui sont au cœur de ces hausses avec quatre secteurs en tête : les vêtements et les chaussures avec des hausses de 7,9%, les restaurants et les hôtels avec 6,2%, le transport avec 5,9% et l’alimentation et les boissons avec 5,6%.

Comment expliquer ce retour de l’inflation et la fin de cette accalmie ? Plusieurs facteurs sont pointés du doigt pour expliquer ce retour de l’ogre inflationniste et la cherté de la vie en Tunisie. Et le premier d’entre eux, est la perte de la valeur du dinar par rapport aux devises étrangères et notamment l’euro (21% au cours de l’année 2017) et par rapport au dollar (7%). Cette perte de valeur a été à l’origine d’une inflation importée et l’augmentation des prix des produits importés, notamment ceux de consommation comme ceux des biens de consommation finale et les semi-produits pour les entreprises.

Un autre facteur qui explique cette hausse des prix est celui de l’application du mécanisme automatique des prix de l’énergie, qui a été appliquée au mois de juin dernier et qui a été à l’origine d’une première hausse des prix provoquant l’augmentation rapide de l’indice des prix du secteur des transports.

Un troisième facteur concerne les réseaux de distribution et les pratiques illégales de monopole et de circuits parallèles qui agissent sur les prix et ont contribué à la hausse que nous connaissons depuis quelques mois. Enfin, il faut également souligner les facteurs structurels qui ont pesé sur les marchés avec notamment le recul de l’investissement et le caractère fragile de la production et de la productivité qui pèsent sur l’offre et ne favorisent pas son augmentation rapide afin de répondre aux pressions de la demande et de desserrer la tension sur les prix.

L’ensemble de ces facteurs se sont réunis pour entraîner une forte hausse des prix et le retour des tensions inflationnistes avec leur lot de contestations sociales et politiques. Mais, la grande inquiétude en ce début d’année est que cette poussée inflationniste de l’année passée constitue la base du développement d’une spirale inflationniste qui pourrait remettre en cause les équilibres sociaux et financiers. Cette crainte est justifiée par plusieurs facteurs en ce début d’année, dont les décisions de la loi de Finances 2018 avec les augmentations des taxes sur la valeur ajoutée dont on estime l’effet sur les prix de 0,8%, les hausses de certaines taxes sur la consommation et la poursuite de l’application du mécanisme automatique des prix.

Cette poussée inflationniste et la hausse des prix depuis la fin de l’année constituent un défi majeur et exige des réponses rapides de la part du gouvernement pour empêcher sa transformation en une spirale inflationniste. Les réponses doivent prendre en considération les éléments suivants. Le premier est la nécessité de mettre la question de l’inflation dans un contexte économique global dont l’objectif est le retour de la croissance et surtout de la productivité qui vont améliorer les conditions de l’offre et peser par conséquent sur la demande et les prix. Le second élément concerne la politique de change et la nécessité de maîtriser la baisse du dinar en dépit des limites de nos réserves pour limiter la part de l’inflation importée.

Un autre élément concerne la nécessité de poursuivre la lutte contre les réseaux de contrebande dans les circuits commerciaux et les marchés parallèles qui ont pesé sur les prix et ont contribué à la hausse des prix. Enfin, il faut mentionner la levée de la subvention dans le secteur de l’énergie dont il faut saisir l’impact sur les prix.

La hausse des prix, les poussées inflationnistes enregistrées au cours de l’année passée et les effets des mesures de la loi de Finances sur les prix, pourraient nous plonger dans une spirale inflationniste. L’action urgente des pouvoirs publics est nécessaire afin de préserver les équilibres financiers et sociaux de notre pays.