La panne du commerce international !

L’ambiance est à la morosité pour ceux, responsables politiques, institutions internationales, dirigeants économiques, qui s’intéressent à l’évolution de l’économie mondiale. Il faut dire que les motifs d’inquiétudes ne manquent pas. Il y a d’abord la croissance mondiale qui a du mal à retrouver sa vigueur d’avant la grande crise de 2008-09. Les programmes ou les fiscal stimulus lancés par de nombreux pays, ainsi que les politiques monétaires expansionnistes, n’ont pas réussi à redonner à l’économie mondiale une dynamique de croissance plus marquée. Du coup, et en dépit des appels à une plus grande coordination des efforts entre les grands pays, la croissance globale est restée désespérément « médiocre » pour reprendre les termes de Christine Lagarde, Directrice générale du FMI.

La fragilité de la croissance globale n’est pas le seul motif de préoccupation pour l’économie mondiale. En effet, le commerce international est une des inquiétudes actuelles. Plusieurs rapports ont indiqué que le rythme de croissance du commerce international a connu un fléchissement depuis la seconde moitié de la décennie passée. Une perte de vitesse qui porte un coup à la globalisation et à sa capacité à assurer une plus grande convergence économique entre les pays pauvres et les pays développés.

Revenons aux faits. Les derniers rapports des organisations internationales mettent l’accent sur le fléchissement du commerce international. Plusieurs indicateurs sont avancés pour mettre l’accent sur cette tendance. Parmi eux, il y a la comparaison entre les taux de croissance du PIB global et celui du commerce international qui, jusqu’à récemment, était marquée par une forte progression des échanges internationaux par rapport à la production. Cette différence est considérée pour beaucoup comme un important indicateur de la globalisation et de la forte division internationale de la production de la chaîne des valeurs au niveau international qui sont au cœur de certaines spécialisations internationales entre différents pays selon leurs avantages comparatifs. Les dernières années n’ont pas échappé à cette règle avec, selon les estimations du FMI, des prévisions de la croissance mondiale de 3,1% alors que celles du commerce mondial ne seront que de 2,7% pour l’année 2016.

Ce fléchissement du commerce international n’est pas récent et remonte au début du siècle. Il a été par ailleurs renforcé par la grande crise des années 2008-09. Ainsi, l’examen de l’histoire récente du commerce international nous permet de distinguer clairement deux grandes périodes. La première qui s’étend du début des années 1980 jusqu’au début du siècle, a connu une importante croissance des échanges internationaux représentant en quelque sorte l’âge d’or du commerce international. La croissance du commerce est alors plus importante que celle de la production et a fait des échanges mondiaux un important vecteur de globalisation de l’économie et de convergence globale.

Plusieurs facteurs ont joué un rôle majeur dans cette explosion du commerce international. Il faut d’abord noter le vent de réformes et d’ouvertures des économies nationales entamé au début des années 1980 avec la vague de libéralisation et le retour en force des courants libéraux après la crise des courants keynésiens et de l’interventionnisme étatique. Il faut aussi mentionner la grande vague de division du travail et le partage des tâches des différents secteurs et des chaînes de valeurs au niveau international qui ont accéléré le commerce international et les échanges entre les différents centres de production. Un autre facteur a contribué à cette forte croissance des échanges mondiaux et concerne la baisse du prix du transport international et sa modernisation.

Or, cette phase sera suivie d’une nouvelle au début du siècle, marquée par un fléchissement de cette tendance. Des facteurs conjoncturels mais aussi structurels sont au cœur de ce retournement. Parmi ces facteurs, on peut souligner l’impact de la grande crise financière des années 2008-09 qui a été à l’origine d’une récession forte et surtout d’un accroissement de l’incertitude qui n’a pas favorisé l’investissement et le commerce international. Il faut aussi mentionner la fragilisation des banques au moment de la crise qui a pesé sur le financement du commerce. On peut également mentionner l’émergence de certains comportements protectionnistes au moment de la crise qui ont réduit les échanges. D’autres raisons structurelles sont aussi évoquées comme le recul des secteurs industriels et la montée des activités de service.

Ainsi, l’ambiance n’est pas au beau fixe pour les responsables et les experts du commerce international. Et, la morosité ambiante est renforcée par la crise des négociations multilatérales avec ce Doha Round devenu un mort-né et qui ne fait que renforcer les négociations bilatérales et la loi du plus fort.

La panne du commerce international est significative d’une crise plus globale et qui concerne notre capacité à imaginer et à forger un nouveau contrat global de développement. En dépit des engagements des uns et des autres, force est de constater que notre monde peine à fonder un nouveau modèle de développement soutenable et un contrat social inclusif. Des échecs qui nourrissent le désespoir, la violence et peuvent conduire le monde à l’abîme. A nous de nous ressaisir et d’offrir une nouvelle espérance capable de nourrir une nouvelle expérience historique et un nouveau vivre en commun solidaire, juste et équitable.